GILLES ROLAND TOURE, « LE » créateur de mode

Élevé en 2001 au rang de chevaliers dans l’Ordre du Mérite national, et en 2006, à la dignité de chevalier dans l’Ordre du Mérite ivoirien, par l’État de Côte d’Ivoire, Gilles Roland Touré a habillé d’illustres personnages tels que Mme Thérèse Houphouët-Boigny. Aujourd’hui Gilles Roland Touré, peut être indexé comme étant « LE » créateur de mode et styliste qui a le plus influencé toute la nouvelle génération de créateurs.

Q1 : Les Ivoiriens vous connaissent de nom, et de par vos créations, Mais qui est vraiment Gilles Touré ? Comment cette passion pour la mode s’est révélée à vous ?
Je suis Gilles Touré Styliste, créateur exerçant et travaillant à Abidjan depuis un peu plus d’une vingtaine d’années. Cette passion pour la mode s’est naturellement révélée à moi. Depuis mon enfance, je m’amusais à faire des croquis de mode et des vêtements de poupée, et cela ne m’a plus lâché, j’ai continué à dessiner jusqu’à ce que je sois en classe de 1re. J’ai par la suite parlé à mes parents, qui n’étaient absolument pas pour, au départ. Ils m’ont demandé d’avoir au moins le BAC, après mon BAC, ils m’ont demandé de faire la fac. Après la fac, lorsque j’étais en licence de Science éco, j’ai vraiment décidé de partir, et là, après la licence, ils ont enfin accepté de me laisser partir à Paris m’inscrire dans une Université des Arts.

Q2 : Quelles sont vos sources de créativité du moment ?
En ce moment, je crée énormément de prêt-à-porter. Pendant, longtemps, j’ai travaillé sur du sur-mesure et la haute couture. Là, j’ai décidé depuis deux-trois ans de travailler sur une ligne de prêt-à-porter. Au départ, j’ai pensé que cela me prendrait beaucoup moins de temps, mais je me rends compte que tout le côté créatif est encore bien présent, je crée toujours de nouvelles chemises, des nouvelles blouses pour femme, des nouvelles jupes… . Des trucs qui sont prêt à porter, facile à porter, facile à diffuser, mais qui me prennent beaucoup de temps, parce que je souhaite toujours avoir la petite touche originale. Les sources partent de tout et de rien, je fais beaucoup de recherche. En ce moment, je travaille sur tout ce qui est Ashanti, poids Akan, quinté. Je travaille aussi avec les dessins Ndébélé d’Afrique du Sud. Cela me permet de faire des petits dessins pour mes chemises, pour mes bermudas brodés et les blouses pour femme.

Q3 : L’on constate que la simplicité transcende vos créations. Une explication à cela ?
J’ai toujours voulu aimer les choses simples. J’avais un mentor, quelqu’un que j’aimais beaucoup, c’était Yves Saint Roland. Quand on regarde les vêtements d’Yves Saint Roland, ça sent la simplicité. C’est classe, c’est simple, c’est sobre. Yves disait : « Une mode, un vêtement ça doit être comme une ligne noire sur une feuille de papier. La silhouette est une ligne …». J’ai fait beaucoup de froufrou de tralala au départ de ma carrière, mais avec le temps, je me suis épuré. Je joue aujourd’hui sur les définitions sur le côté sobre classe, mais chic en même temps. À côté de cette simplicité, il y a toujours évidemment la petite touche Gilles Touré, la petite touche qui fait la différence. Mais j’estime que la création ce n’est pas forcément mettre mille et une chose dans un vêtement.

Q4 : Quelle place occupe la couleur dans vos créations ? Parlez-nous du Chocolat à l’orange par exemple. Pourquoi cette tendance ?
La couleur occupe une place très importante dans les créations. Quand j’ai eu mon diplôme à Paris devant une centaine d’étudiants, Major de la promotion, le président du jury s’est levé à mon tour et m’a dit : « Ce Jeune, homme sa force, ce sont les couleurs.». C’était à Paris en plein hiver, je venais d’Afrique, donc j’avais ce côté très coloré de l’Afrique, même si ça faisait trois ans que j’étudiais à Paris, j’avais quand même gardé ma vision coloré de l’Afrique. Les couleurs, c’est la vie. J’adore les fleurs, donc j’adore forcément les couleurs. Il y a beaucoup de couleurs dans mes vêtements, parfois, ce sont des touches. Je travaille également sur les rayures depuis un moment. J’aime bien le mélange des couleurs, c’est comme ça que chocolat à l’orange a vu le jour. Chocolat à l’orange n’est pas une collection, c’était une chemise. Je prends beaucoup de temps pour dessiner mes chemises. Je m’amuse à mélanger les couleurs à faire des choses originales, trouver des choses des couleurs qu’on n’a pas l’habitude de voir. Et l’orange et le marron ce ne sont pas deux couleurs qu’on a l’habitude de mettre en ensemble. Et dans mes croquis “Tac”, c’est sorti. J’aime bien donner des noms de fruits, ou de goût.. À mes créations “Je suis un gourmand”. C’est comme ça que Chocolat à l’orange est né. Et ça a été un franc succès. J’ai même été surpris. En général, je fais huit ou dix pièces, et le chocolat à l’orange était un jig short, mais nous l’avons refait en de multiples exemplaires. D’ailleurs, il faut que j’arrête !

Q5 : Sur le Polo Picasso, l’on voit stylisé des visages ainsi que l’utilisation du cubisme et du surréalisme. Que voulez-vous mettre en exergue ? Quel est le message subliminal ?
Le polo Picasso… Il n’y a pas vraiment de message, je me suis inspiré de Picasso qui lui c’est inspiré des toiles de Korhogo, donc voilà… On n’a rien volé, retour à l’envoyeur… . Je suis tombé sur un tissu avec le visage stylisé dans l’esprit cubiste de Picasso, ça m’a plus, j’ai eu l’envie de le travailler à ma façon, j’y ai rajouté des cheveux afro, des dreads et voilà ça a plu tout simplement. Il n’y a aucun message. Je ne passe pas forcément des messages sur chaque vêtement parfois, ce sont des coups de cœur parfois, ce sont des idées ou des recherches, etc.

Q6 : Peut-on avoir une idée des nouvelles collections actuellement disponibles en boutique ?
En ce moment en boutique, nous avons énormément de choses. J’ai malheureusement raté la fête des mères, donc là je me “focus” sur les papas. Je me rends compte que les papas achètent beaucoup, les hommes achètent énormément et en plus sans discuter, sans calculer. C’est vrai qu’en boutique privilégie un peu plus les hommes du coup les femmes s’en plaignent. Mais pendant vingt ans, j’ai habillé les femmes, donc laissez-moi un peu le temps de m’occuper de nous les hommes ! Il y a toujours plein de choses en boutique, ce ne sont pas vraiment des collections, ce sont des séries, donc on peut trouver plusieurs séries, mais qui sont vraiment différentes. Au départ, l’idée de la boutique, c’était de permettre à quiconque qui y entrerait d’acheter au moins une chose. Et pour acheter une chemise, il faudrait qu’on ait au moins une dizaine de choix différents. Il faut laisser le choix au public, il faut laisser le choix aux clients.

Q7 : Parlez-nous franchement. Que représentent les échecs pour Gilles TOURÉ ?
Pour moi, l’échec, c’est une expérience. On ne doit pas s’abattre sur nos échecs, on ne doit pas être déprimé même si ce n’est pas évident, mais chaque échec correspond à une expérience. Lorsqu’on échoue quelque part, l’émotion passée, on doit être capable de faire mieux le lendemain, être capable de faire mieux la prochaine fois. Mes échecs, je les considère comme des expériences, et j’essaie de faire mieux les autres fois.

Q8 : Quels conseils pouvez-vous donner aux jeunes Créateurs, et à tous ceux qui envisagent de le devenir ?
Aux jeunes créateurs, je leur demanderais d’être patients. Papa Pathé ‘ô qui est mon mentor au niveau de la mode me disait toujours, la patience, c’est quelque chose qui est connu, mène à l’or. C’est l’un des plus importants conseils qu’il m’a donné. Et, ensuite, il faut aimer ce métier-là, il ne faut pas venir juste pour le “bling-bling”, ou le podium ou pour juste se faire voir, il faut aimer, il faut apprendre, c’est très important la formation. On rencontre beaucoup de créateurs aujourd’hui qui ne sont pas formés qui entrent dans le domaine parce qu’ils ont envie de se faire voir, mais il ne reste pas longtemps sur le podium et ça, c’est dommage. Amour, Formation et Patience. Avec ces trois-là, on travaille bien.

 

L’échec, c’est une expérience. On ne doit pas s’abattre sur nos échecs…

 

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Bienvenue KOUAO

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